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L’arbre est une ressource prodigieuse. En est-on suffisamment conscient ?

Article du 11 mars 2020 rédigé par Christian Conrad, botaniste et naturaliste

La taille ! regardez ces mornes moignons, en lieu de branches, à peine laissées sur arbres

saules élagués
saule élagué

« Une idée forte, sur laquelle il existe un solide consensus : dans la mesure du possible, les lieux de notre vie quotidienne doivent s’agrémenter de plantes et en particulier d’arbres, faute de quoi ils seraient invivables, hostiles et, pour tout dire, inhumains ». C’est un passage d’un des livres écrit en 2011, par Francis HALLÉ, botaniste, biologiste et dendrologue de réputation internationale.  Son titre : « Du bon usage des arbres. Un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques ».

Peu ont lu ou entendu parler de ces thèses sur la présence nécessaire des arbres dans les espaces urbains et péri-urbains. D’autres auteurs scientifiques partagent ce point de vue : Alain BARATON, Jardinier en chef des jardins du Trianon à Versailles (« La haine de l’arbre n’est pas une fatalité ») ; ou Alain PERSUY, forestier, écologue et naturaliste auteur de nombreux ouvrages sur « La Forêt naturelle » et des guides sur les arbres. Je cite ici quelques scientifiques spécialistes des arbres, qui prennent régulièrement leurs bâtons de pèlerin afin de mieux les faire connaitre et les préserver. Ils sont parfois entendus par des élus, des gestionnaires des villes comme Lyon, Bordeaux, Amiens, Orléans qui ont le respect du vivant, des arbres, qu’ils soient décisionnaires ou simples exécutants sur le terrain.

De nombreuses villes, grandes ou petites, ont rédigé et édité une charte de l’arbre comme Lyon, Amiens etc. Ces villes ont proscrit l’élagage de leur patrimoine arbustif, ôtent régulièrement les branches mortes pour des raisons de sécurité. Elles ont opté pour une écologie qui favorise la biodiversité et le bien être dans la ville, le village.

L’arbre a son importance autant en ville que dans les campagnes. Il est important dans nos écosystèmes, dans nos parcs, nos jardins, sur les bords de nos routes.  Il joue un rôle déterminant comme être vivant apparu à la fin du Dévonien moyen (387,7 Mi). C’est un être complexe qui au fil des millions d’années d’évolution n’a cessé de s’adapter et a perduré jusqu’à nos jours. De nombreux citoyens de notre pays ont pris conscience de son importance dans le fonctionnement de la nature. C’est pour cela que lors d’un colloque à l’Assemblée Nationale le 5 avril 2019 a été rédigée et adoptée la « Déclaration des droits de l’arbre ». 

À Lisle sur Tarn, nous savons que la municipalité actuelle tout comme la précédente n’a ni sensibilité ni conscience écologique.  Au mois de novembre de l’an passé nous avons constaté l’élagage des platanes de l’avenue Charles de Gaulle alors qu’ils n’avaient pas encore perdu leurs feuilles.  Il faut savoir que l’arbre, avant de les abandonner, récupère le sucre stocké dans une partie du limbe pour le stocker à l’intérieur du tronc. Au printemps, ce sucre (dextrose) servira d’élément nutritif au débourrage des jeunes feuilles. Cette mutilation a continué sur les différentes places du village. Je comprends ! Les élections approchant, il faut montrer que l’on s’occupe du village, même si cela a un prix… Comme dit Alain PERSUY « Il est une manie, une obsession presque, bien française, et qui s’exerce au très net détriment des arbres : la taille ! regardez ces mornes moignons, en lieu de branches, à peine laissées sur arbres. Observez ces platanes tronqués, ces marronniers estropiés, alors soumis à des stress intenses, parfois en pleine saison de feuillaison… on s’étonnera qu’ils ne vivent pas vieux ! ». 

Nous savons depuis longtemps que l’élagage affaiblit et met en danger les arbres, et multiplie les risques de chute. C’est inviter les pathogènes – virus, bactéries, xylophages – à l’infecter. Les tailles douces ne sont que des pratiques tout aussi dangereuses.

Et j’aimerais rappeler que dans la loi du 8 aout 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », à l’article L.350-3, il est écrit « Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l’objet d’une protection spécifique… Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit »

D’autre part, nous savons que le chancre coloré (Ceratocystis platani) champignon mortel pour le platane, s’introduit dans l’arbre par les blessures (élagage, fauchage, terrassement, etc.). Or, on vient de découvrir à Rabastens un platane infecté par le chancre coloré. Pour éviter une plus grande infection, conformément à l’arrêté du 22 décembre 2015, consolidé le 14 février 2020, la loi oblige l’abattage des platanes qui se situent dans un rayon de 35 mètres de l’arbre malade. Lisle sur Tarn est dans l’axe de Rabastens et des vents d’Ouest. Les spores du champignon Ceratocystis platani sont disséminés par le vent (anémogame), par les insectes, les oiseaux.

Nos platanes élagués fraîchement sont des victimes potentielles du chancre coloré. N’y aurait-il pas lieu de déposer un recours pour dégradation et modification radicale des arbres ?

Le vivant a ses exigences qu’il faut appréhender et connaitre. La gestion des espaces verts est une question de connaissance et de compétence de l’encadrement et des exécutants.

L’arbre partage avec les autres plantes la capacité de purifier l’air que nous respirons, en absorbant le gaz carbonique, CO2, ce gaz qui pollue notre atmosphère et joue un rôle dominant dans le dérèglement climatique. Pour sa croissance il n’a besoin que de l’atome de carbone, C, dont il nous débarrasse, et il nous restitue l’oxygène, O2, indispensable à notre respiration. L’arbre et l’homme pourraient-ils vivre l’un sans l’autre ? L’arbre, lui, peut vivre sans nous. Il l’a fait pendant des millions d’années. Nous, nous avons besoin de lui. Un besoin VITAL.

Christian CONRAD, Botaniste, naturaliste

Bibliographie

Pierre LIEUTAGHI, Le livre des Arbres, Arbustes & Arbrisseaux. Éditions Actes Sud

Francis HALLÉ, Du bon usage des Arbres. Un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques. Éditions Actes Sud

Francis HALLÉ. Plaidoyer pour l’Arbre. Éditions Actes Sud

Alain BARATON. La haine de l’Arbre n’est pas une fatalité. Éditions Actes Sud

Alain PERSUY La Forêt naturelle. Éditions BELIN

Encyclopedia universalis

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