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Crise agricole : les conséquences

Article du 27 février 2024 rédigé par Christian Conrad, botaniste et naturaliste

«L’utilisation des pesticides et l’impact sur la santé humaine et sur l’environnement»

Dans cette crise agricole, l’écologie sert de bouc émissaire. L’agriculture est-elle si innocente ? N’a-t-elle pas une part importante dans l’érosion de la biodiversité, dans les problèmes d’eau, dans le dérèglement climatique ? A écouter certains responsables syndicaux, les agriculteurs eux-mêmes, dixit un viticulteur de Béziers « l’écologie nous tue ! » Soyons sérieux, il ne faut pas détourner le ou les problèmes récurrents des agriculteurs depuis de nombreuses années. En premier lieu, bien sûr, le manque de revenus des agriculteurs. Aujourd’hui, selon l’Insee, 18% d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, nous comprenons leur situation et soutenons leurs actions, par contre nous condamnons les dégradations de bâtiments administratifs (DREAL, OFB) ou associatifs. Cette cabale contre l’environnement n’a pas de sens, opposer normes et rémunérations est une hérésie. Il semble difficile, à court terme, pour un secteur en crise, d’aborder cette transition écologique sereinement. Sans revenus, comment entamer et mettre en place ces mesures environnementales ? “Se focaliser sur les normes est un mirage !”, commente la Confédération paysanne. Le syndicat, qui a été reçu le 23 janvier au soir par le Premier ministre, Gabriel Attal, à Matignon, appelle à ne pas opposer rémunération et écologie. “Moins de normes, c’est aussi plus de libéralisation, moins de protection sociale, économique et donc moins de revenu !” ajoute le syndicat.

Risques pour la santé

Changer l’indicateur du plan Ecophyto 2030, une reculade, la santé des français qu’en fait-on ?

Laurence Gamet-Payrastre, biologiste à l’unité de recherches en toxicologie alimentaire, dépendant de l’INRA, située à Saint-Martin-du-Touch en Haute Garonne dans un article scientifique au titre évocateur « Exposition aux «cocktails» de pesticides : quels impacts sur la santé ? écrit : «Les pesticides sont considérés comme des facteurs de risque pour la santé chez l’homme. De nombreuses études épidémiologiques montrent en effet une association entre l’exposition professionnelle aux pesticides et l’apparition de certaines pathologies. La population générale est exposée via l’alimentation à des cocktails de pesticides à faibles doses et la question posée est de savoir quels sont les effets d’une telle exposition sur la santé. Les pesticides sont des composés biologiquement actifs et exercent des effets sur diverses cibles cellulaires et moléculaires. Les mélanges de pesticides conduisent à des effets variés et la base des interactions entre composés est complexe et implique un réseau de cibles et de mécanismes à différents niveaux. La complexité des effets cocktails soulève différentes questions quant à leur prédiction

Dans une étude publiée récemment, elle démontre qu’un cocktail de six pesticides présents dans l’alimentation induit, chez la souris exposée aux mélanges, des perturbations métaboliques, elle conclut :«Ainsi, les pesticides à des doses considérées comme non toxiques peuvent avoir un impact sur la physiologie de lorganisme lors dune exposition chronique de ces composés en mélange».

Risques pour l’environnement

Oiseaux. L’intensification de l’agriculture est à l’origine d’une perte importante de diversité biologique. La France est un bon miroir de la situation européenne : elle figure néanmoins parmi les pays dont la surface agricole exploitée de manière intensive est la plus élevée mais aussi parmi ceux dont cette surface a le plus augmenté récemment. La température a également augmenté d’environ 1 °C entre 1996 et 2016, la surface artificialisée est supérieure à la moyenne européenne et la couverture forestière inférieure à la moyenne européenne même si elle s’est accrue depuis 1996. L’impact négatif sur l‘environnement est évident, le nombre d’oiseaux agricoles et forestiers a diminué de 43 % et 19 % respectivement.

Environ 20 millions. C’est le nombre moyen d’oiseaux disparaissant en Europe d’une année sur l’autre, depuis près de 40 ans. Soit 800 millions d’oiseaux en moins depuis 1980. Ces chiffres viennent d’être établis grâce à une équipe européenne qui a démontré, dans une même étude, la responsabilité dominante de l’évolution des pratiques agricoles (source CNRS).

Insectes. L’équilibre des écosystèmes est mis à mal, on parle peu de la disparition importante des insectes. Une étude récente du Muséum d’histoire naturelle de Paris, révèle « les populations d’insectes ont diminué de 70 à 80 % (60% en France) dans les paysages européens mixtes agro-industriels, comme le montrent de nombreuses études menées durant ces dix dernières années. Le déclin des insectes met en péril le vivant. Qu’elles peuvent en être  les conséquences ? Les insectes sont à l’origine de la plupart des chaînes alimentaires et de la reproduction de la majorité des végétaux de notre planète. Qu’il s’agisse de la pollinisation, des proies qu’ils constituent pour de nombreuses espèces animales, ou encore de leur fonction de recycleurs, les insectes sont présents « à tous les étages ». Le déclin des insectes fait partie du déclin global de la biodiversité, avec plus d’un million d’espèces menacées d’extinction à brève échéance, selon le dernier rapport de l’IPBES. Cet effondrement de la biodiversité, conjugué au changement climatique, remet en question l’habitabilité de notre planète et interroge l’avenir du vivant, humain et non humain.

Christian Conrad, Naturaliste